Ankadikely-Ilafy : Fafah, l’adieu aux larmes

Mercredi 23 octobre 2019. « Alarobia tsy miverina » disent les Malgaches. Le mercredi qui ne revient pas. Il est près de 16h30 sur la colline de Rangaina, dans la commune d’Ankadikely-Ilafy. Alors que le soleil consent enfin à décliner, « mihilana », selon la formule consacrée, la dépouille mortelle de Famantanantsoa Rajaonarison, Fafah, voix sans égale du groupe Mahaleo, quitte le monde des vivants pour se reposer dans le caveau familial.

Au milieu d’une forêt de parapluies et de la foule éplorée, un jeune homme, tout de noir vêtu, secoué par des soubresauts, tient dans ses mains son visage couvert d’un mouchoir en papier blanc. Andriniaina Rajaonarison vient de mettre son père en terre. En sueur, en cercle, se tenant par les épaules, lui, ses deux autres frères, ses cousins, ont fait ce dernier geste de soutien mutuel en sortant du tombeau. Comme un pacte devant les hommes, la terre et le ciel. Dans la foule, compacte, à la fois des anonymes et des personnalités, réunies par une même douleur. Rachelle Rajaonarison Rajaonson, veuve du chanteur, est assise, soutenue de part et d’autres par des mains bienveillantes, entourée de son clan, en bloc autour d’elle.

Pas très loin, face au tombeau, les derniers membres du groupe Mahaleo trouvent appui et réconfort auprès de leurs épouses respectives. Bekoto, auteur compositeur, multi-instrumentaliste du groupe est là, tête baissée quelquefois, tout en retenue dans la douleur. Dadah, auteur compositeur et guitariste du groupe, versera des larmes lors du dernier adieu. Dama, membre fondateur, auteur compositeur et guitariste, lui, se tient droit, tête haute, les yeux rougis mais secs, un peu perdu dans ses pensées. Charles enfin, batteur du groupe, sera en larmes lorsqu’il posera sa main sur la dépouille mortelle de son ami, lors du dernier adieu. Erick Manana, membre avec Fafah du groupe Feo Gasy n’a pas fait le déplacement jusqu’au tombeau, mais a été présent par la pensée.

Dans la foule aussi, le dernier cercle. Les fans de la première heure comme Rivo et Lucas, fondateurs du premier club des fans. Koly, qui n’a pas hésité à faire du stop pour pouvoir assister à l’enterrement. « J’habite dans les environs. Nous sommes un cercle d’amis qui ne rate aucun de leurs concerts. J’étais la seule à pouvoir venir. J’ai même laissé les enfants à la maison avec la nounou. Je me devais d’être présente. Dans mes tourmentes, dans les creux de ma vie, c’est sa voix qui m’a apaisée. »

Puis certaines personnalités du monde de la culture ont tenu à accompagner le chanteur dans sa dernière ballade. Monique Rakotoanosy, Elia Ravelomanantsoa, ancienne ministre de la Culture, Ntsoa Randriamifidimanana, Jaobarison Randrianarivony de Media Consulting, qui aura accompagné longtemps le groupe dans leurs tournées, ou encore Niry Ravelojaona. Vanf, aussi, a fait le déplacement. « Je représente aussi Naina Andriatsitohaina », précise-t-il. Un peu en contrebas de la colline, Rampal et Lucien Randrianina autrefois réunis au sein du groupe Rebika, s’offrent un bœuf en plein air.

L’enterrement aura été à l’image de l’artiste. Discret, pacifique, rassembleur, avec la musique omniprésente. Sakaiza tsara , du groupe Vavaka hira fiderana (VHF), au sein duquel il a également officié, fermera la parenthèse de cette journée. En descendant la colline, une fan aperçue régulièrement à chaque concert de Mahaleo passera à fond sur un speaker Fahazazana , très vite repris par la foule.
« Il faudra sans doute penser à une nouvelle configuration maintenant », lâchera Bekoto un peu désemparé. « Ce que je composais en fonction de lui tombait pile poil. Maintenant je dois composer dans le vide. »