Lutte contre le paludisme : Un dispositif d’alerte local déployé dans le sud-est malgache
Chaque saison des pluies, le paludisme revient en force dans le sud-est de Madagascar. Pour anticiper les épidémies et mieux organiser la riposte, des chercheurs ont mis au point un système d’alerte local, simple et efficace. Objectif : sauver des vies en agissant au bon endroit, au bon moment.
De décembre à mars, le sud-est de Madagascar affronte une menace bien connue : le paludisme. La saison des pluies favorise la multiplication des moustiques, qui transmettent la maladie. Dans les zones rurales, où l’accès aux soins reste difficile, chaque retard ou mauvaise répartition des ressources peut avoir des conséquences graves. Face à cette réalité, les chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), en collaboration avec leurs partenaires malgaches, ont décidé d’agir différemment : en développant un système d’alerte qui fonctionne à l’échelle des villages.
Prédire les épidémies, village par village
Jusqu’à présent, les autorités sanitaires utilisaient des modèles de prévision à l’échelle nationale ou régionale. Mais ces outils sont trop larges pour guider les actions sur le terrain. Désormais, grâce à ce nouveau système, il est possible d’anticiper l’évolution du paludisme dans chaque Fokontany, jusqu’à trois mois à l’avance. Ce dispositif repose sur deux types de données : les chiffres des centres de santé et des informations environnementales, notamment sur les inondations. En combinant ces données, les chercheurs peuvent estimer le nombre de cas à venir, même dans les villages éloignés où les malades ne se rendent pas toujours à l’hôpital.
Connaître à l’avance les zones les plus touchées permet de mieux répartir les ressources : médicaments, tests de dépistage, moustiquaires... Selon Michelle Evans, spécialiste de l’ONG Pivot et chercheuse affiliée à Harvard, ce système permet de prévoir les besoins avec une précision 60 % plus élevée qu’avant. Il réduit aussi de moitié les erreurs d’estimation, qui sont souvent à l’origine des ruptures de stock. Ces informations sont mises à la disposition des agents de santé via une application en ligne, simple à utiliser.
Alerte précoce bien ciblée
Le paludisme ne peut pas reculer sans une lutte efficace contre les moustiques. En plus des traitements, il faut aussi détruire les larves. Pour cela, les chercheurs ont mis au point un autre outil, capable de repérer les zones où les moustiques pondent leurs œufs : rizières, flaques, zones inondées… Ce système repose sur des images satellites prises tous les quinze jours, même en saison des pluies. Contrairement aux images classiques, les radars utilisés peuvent voir à travers les nuages. Ils permettent de distinguer les zones d’eau libre et les jeunes rizières, où les larves se développent. « On peut ainsi savoir exactement où intervenir parmi les 17 000 rizières du district », explique Mauricianot Randriamihaja, géo-informaticien à l’ONG Pivot et doctorant à l’IRD. Aujourd’hui, ces deux outils sont utilisés dans quelques districts du sud-est. Mais les chercheurs estiment qu’ils pourraient être étendus à tout le pays. Dans un contexte où l’agriculture irriguée favorise la transmission du paludisme, une alerte précoce bien ciblée peut faire la différence.