Danse : Aiky Hayian, 11 ans, prodige discret du hip-hop malgache
Casquette à visière plate vissée sur la tête, regard discret caché sous la visière, Aiky Hayian entre sur scène en silence. Mais dès les premières notes, le garçon de 11 ans se métamorphose. Il laisse parler son corps, sa musicalité, son sens du groove.
Né le 7 mars 2014 à Antananarivo, Aiky Hayian Andriantsoava, connu sous son blaze Aiky Hayian, s’est imposé comme l’un des jeunes talents les plus prometteurs de la danse urbaine malgache. Élève à la SMK Obus School (S.O.S), il évolue aujourd’hui au sein du groupe SMK NG Kids, une troupe de jeunes danseurs et danseuses soudés par la passion, la discipline et une ambition commune.
Du karaté à la danse
Avant la danse, Aiky pratiquait le karaté dans son école Mon Verger Malaza. Mais avec la crise sanitaire de 2020-2021, les activités parascolaires ont été suspendues. Et même si le karaté lui plaisait un peu, ce n’était pas sa vraie passion. Ses parents décident alors de l’inscrire, avec son frère aîné Aro Haïden, à une école de danse située à, à peine, 150 mètres de la maison. Une question de proximité, mais aussi, sans le savoir, un choix déterminant. "Je me souviens bien… Il n’y avait que moi, mon frère Aro et notre coach Kenji dans la salle. C’était un samedi matin. Je croyais que ce serait facile, mais ça bougeait beaucoup !", raconte Aiky avec un sourire timide. Une semaine plus tard, le duo s’agrandit. Ils font la connaissance de Kaliana, qu’il décrit aujourd’hui comme leur "petite sœur de cœur". Ensemble, ils entament une aventure artistique et humaine qui dépasse le cadre d’une simple école de danse.
Très vite, les coachs de la SMK Obus School s’aperçoivent qu’Aiky a quelque chose de particulier. S’il est discret, observateur, il capte les rythmes avec une facilité déconcertante. Là où son frère Aro brille par son travail acharné, Aiky se distingue par son instinct. "Les coachs ont comparé Aro à Cristiano Ronaldo, et moi à Lionel Messi", dit-il, un peu gêné mais fier. "Aro, c’est la rigueur, la puissance, et moi, c’est plutôt le feeling, les gestes naturels. "
Une culture musicale riche
Aiky, malgré sa timidité, commence à briller en compétition. Deux fois sacré "The Best of All WINNERS" dans la catégorie kids au sein de son école, il franchit un cap lors du COLLAB BATTLE 2025, où il est sacré champion U-12 en All Style, le 19 juillet dernier. "J’étais le seul sans supporteurs. Seuls mon frère Aro et ma maman étaient là. Le public ne me connaissait pas. J’ai dû danser pour le conquérir", confie-t-il. Toujours vêtu de vêtements larges et de sa fidèle casquette, "pour cacher mes yeux, les regards des adversaires m’intimident", Aiky devient une autre personne dès que la musique commence.

Ce jeune danseur a une culture musicale étonnamment riche pour son âge. Il préfère les sons Old School : Tupac, Wu-Tang Clan, Run DMC, Dr Dre, Snoop Dogg, Eminem… autant d’artistes qui ont marqué l’histoire du hip-hop. "Les remix d’aujourd’hui sont trop chargés. J’aime les rythmes clairs, ça me permet de mieux sentir les contretemps et anticiper les grooves." Sa passe fétiche vient de Michael Jackson, son idole. Il tente toujours de maîtriser le moonwalk, mais c’est le "Tour du Monde" qu’il préfère : deux ou trois rotations rapides sur lui-même, arrêtées net par un freeze sur la pointe des pieds, à la manière du King of Pop. En danse hip-hop, il s’inspire beaucoup du personnage de Moose, joué par Adam Sevani dans la saga culte Step Up. Il suit également des figures internationales comme B-Boy Lorenzo.
Danser autour du monde
Aiky n’oublie pas ses inspirations malgaches. Il admire Mc Didi Man, pionnier de la danse urbaine à Madagascar et membre du groupe Iam’s Boys. Et avec une sincère émotion, il rend hommage à Keitch, talentueux danseur de dancehall récemment disparu lors du tragique Anniversaire d’Ambohimalaza. "Keitch était une légende… Il a marqué notre culture. Même si je ne fais pas trop de dancehall, je le respecte profondément."

Aiky est avant tout un hip-hopeur. Il s’intéresse aussi au krump et au step, qu’il souhaite intégrer et enrichir dans son style personnel, même s’ils font déjà partie de la culture hip-hop. Il veut juste les combiner différemment, à sa manière. "Je ne suis pas trop afro ou dancehall… mais je me défends ! La preuve, je suis champion en All Style", ajoute-t-il avec un petit rire timide. Pas très fan de TikTok, Aiky préfère suivre les grandes pages comme Stance ou RedBull Dance pour nourrir son style. "Les juges ne nous prennent pas au sérieux si on fait des danses à la mode", dit-il. En dehors de la danse, Aiky est aussi un excellent joueur de jeux vidéo, où il surpasse souvent ses camarades. Mais sa priorité reste la scène. "Mon rêve, c’est de faire le tour du monde pour représenter le hip-hop, avec SMK NG Kids. Ce ne sont plus des amis… ce sont mes frères et sœurs de cœur et d’armes."
À 11 ans, Aiky a déjà l’âme d’un artiste. Discret, intense, concentré. Il ne parle pas fort, ne cherche pas à briller. Il danse. Et ça suffit à faire du bruit !