Retour du kabeso de l’Ampanjaka Toera à Belo Tsiribihina : un devoir de mémoire accompli
Le crâne royal de l’Ampanjaka Toera et les restes de deux de ses guerriers ont été restitués à Madagascar, 128 ans après leur décapitation. Ce retour hautement symbolique participe à l’apaisement des mémoires et à la guérison des blessures laissées par la colonisation.
Une réparation symbolique
Le vendredi 5 septembre 2025, le Président de la République, Andry Rajoelina, a remis officiellement aux descendants du Roi Toera et à la communauté Sakalava le « kabeso » du souverain, ainsi que les restes de deux de ses compagnons d’armes. Le Roi Toera, figure de la résistance malagasy contre la colonisation française, retrouve ainsi sa terre natale après plus d’un siècle d’absence. Lors de la cérémonie, le Chef de l’État a rappelé la portée nationale de ce retour. « Aujourd’hui, 128 ans après leur décapitation, le Roi Toera et ses compagnons d’armes retrouvent enfin leur terre natale. Ce retour n’est pas seulement celui d’ancêtres auprès de leurs descendants, mais celui d’une dignité nationale retrouvée », a-t-il déclaré.
Pour la communauté sakalava, qui accorde une place centrale au respect des ancêtres, l’absence des restes royaux constituait une douleur persistante depuis 1897. Leur restitution représente une réparation symbolique, permettant à la mémoire collective malagasy de se réapproprier un épisode douloureux de son histoire. La réinhumation des restes à Ambiky, Belo sur Tsiribihina, dans la région Menabe vise à redonner au Roi Toera et à ses guerriers un repos éternel dans leur terre d’origine. Pour le pays tout entier, ce retour est perçu comme une étape dans la guérison des blessures laissées par la colonisation et dans la réconciliation avec un passé marqué par la perte et le sacrifice.
Apaisement des mémoires
Ce retour est l’aboutissement d’un long processus entamé en 2020, à la suite d’une déclaration solennelle du Président Rajoelina lors de l’inauguration du Rova de Madagascar à Antananarivo. Après plusieurs années de négociations, la France a accepté de restituer trois crânes sakalava conservés jusqu’alors dans les collections du Muséum national d’histoire naturelle. La remise officielle a eu lieu le 26 août 2025 à Paris. La ministre française de la Culture, Rachida Dati, a souligné la dimension mémorielle de cette décision : « Cette politique de restitution contribue à l’apaisement des mémoires et rattache ce travail mémoriel à la culture ; elle regarde le passé avec lucidité. »
Madagascar figure parmi les premiers pays africains à obtenir la restitution de restes humains de la part de la France. Ce transfert est la toute première application de la loi-cadre française adoptée en décembre 2023, qui permet de déroger au principe d’inaliénabilité des collections publiques dans un cadre funéraire.
Renforcement du sentiment d’unité nationale
De leur arrivée à Ivato jusqu’à leur retour à Belo-sur-Tsiribihina, les « kabeso » ont été accueillis avec ferveur. À l’aéroport, une cérémonie officielle a marqué la première étape de leur retour, suivie d’une commémoration militaire au Mausolée d’Avaratr’Ambohitsaina. Le cortège funéraire a ensuite traversé plusieurs villes, dont Antsirabe, Miandrivazo et Morondava, où des foules nombreuses se sont massées le long des routes. À l’Allée des Baobabs, l’hommage populaire a pris une dimension particulière, avant l’arrivée des reliques dans leur terre ancestrale de Belo-sur-Tsiribihina.
Au-delà de l’aspect cérémoniel, cet événement revêt une importance nationale. En réintégrant les restes du Roi Toera et de ses guerriers dans leur contexte historique et culturel, Madagascar affirme sa volonté de préserver et de valoriser sa mémoire collective. Le Président Rajoelina a souligné que le sang versé à Ambiky n’avait pas été un sacrifice vain. Selon lui, l’héritage de courage et de persévérance de l’Ampanjaka Toera doit servir de socle à la construction d’un avenir commun. Ce retour contribue ainsi à renforcer le sentiment d’unité nationale et à réaffirmer l’importance du « fihavanana » dans la consolidation de la souveraineté malagasy.