• Cours de change
  • 5184.07 AR
  • |
  • $4448.51 AR
Image
Médecine & Santé

A Lagos, mourir par manque d'ambulances et excès d'embouteillages

16/09/2025 10:00 © Afp

Une centaine d'ambulances pour plus de 20 millions d'habitants : à Lagos, il n'est pas rare de mourir avant l'arrivée des secours ou coincé dans les embouteillages monstres qui paralysent la capitale économique du Nigeria.

La maman de Michelin Hunsa a survécu, mais retrouvée inconsciente par ses voisins, elle a d'abord attendu plus de deux heures pour une ambulance et à l'arrivée, le médecin a diagnostiqué "une hémorragie cérébrale".

"C'est un problème grave, on a attendu beaucoup trop longtemps", se lamente la jeune femme de 25 ans, désemparée, devant un hôpital public.

Contrairement aux personnalités publiques escortées par des voitures de sécurité privée ou la police qui leur ouvrent la voie, les ambulanciers ne peuvent compter que sur eux-mêmes.

Lagos ne dispose quasiment pas de voies réservées aux véhicules d'urgence et malgré leurs sirènes, les raccourcis, leurs talkies-walkies reliés à des mégaphones et une conduite agressive, ils peinent à se frayer un chemin.

"La plupart des gens ne veulent pas céder le passage, ce qui affecte notre temps d'intervention", explique Opeyemi Queen Soetan, 33 ans, ambulancière depuis neuf ans.

"Quand on est coincé dans les embouteillages et que l'état du patient se dégrade, c'est frustrant. Vraiment frustrant", poursuit-elle.

Certains automobilistes comme Anthony Folayinka, estiment que les ambulances utilisent leurs sirènes sans raison.

"Je suis sûr que la plupart du temps, ils ne transportent pas de vrais cas d'urgence, c'est pourquoi je ne me bouge pas", explique le chauffeur de VTC de 38 ans.

Derrière le volant, l'ambulancier Saheed Ayandeji, 42 ans, confie que le plus difficile, ce sont "les heures de pointe", généralement entre 6h00 et 8h00 le matin, et entre 16h00 et 18h00 l'après-midi.

L'Etat de Lagos fournit "35 ambulances" publiques, a indiqué à l'AFP Olusegun Ogboye, secrétaire permanent du ministère de la Santé de la mégalopole, auxquelles s'ajoutent "80 à 90 ambulances" appartenant à des sociétés privées.

Soit un ratio d'une ambulance pour 200.000 habitants.

Objectif: 8 minutes

Depuis sa création en 2021, Eight Médical assure le fonctionnement continu de 34 ambulances, jour et nuit.

"Le nom fait référence au délai idéal de 8 à 10 minutes recommandé par les experts pour intervenir en cas d'urgence. À Lagos, nous en sommes encore loin, mais c'est l'objectif visé avec mon équipe", détaille Ibukun Tunde Oni, 36 ans, fondateur de cette start-up et médecin généraliste de formation.

Deux de ses oncles sont morts il y a quelques années, l'un d'une crise cardiaque pendant les fêtes de Noël, et l'autre d'une crise d'asthme dans une ambulance.

Marqué par ces deux événements, il a aussi été victime d'un accident de la route et attendu l'ambulance trois heures sur la chaussée.

Aucune donnée n'est disponible sur le nombre de patients décédés à cause de la circulation chaotique à Lagos.  Mais il y en a "beaucoup car 100 ambulances pour Lagos ce n'est pas assez", estime M. Oni.

La forte croissance démographique de la mégapole rend la situation encore plus critique.

Lagos sera peuplée de 88 millions d'habitants en 2100, ce qui en fera la ville la plus peuplée du monde, d'après une étude du Global Cities Institute de Toronto.

Outre le manque de véhicules, les services d'urgences médicales doivent aussi composer avec le mauvais état des routes et la pénurie de personnel médical exacerbée par la crise économique et les piètres conditions de travail.

La mauvaise coordination entre hôpitaux et services d'ambulances complique également la connaissance en temps réel des lits disponibles pour l'hospitalisation.

En 2022, les autorités de Lagos ont mis en place un bateau-ambulance et une clinique flottante, permettant de desservir "15 des 20 collectivités locales via les voies navigables" de la lagune, et éviter les embouteillages, selon Ibrahim Famuyiwa, chef des opérations de l'autorité des voies navigables de l'État.

Mais faute d'argent pour développer cette alternative, la priorité des autorités locales va pour l'instant à l'augmentation du nombre de camions-ambulances, notamment via des partenariats publics-privés.

Lire la suite

Articles Similaires