Refondation de Madagascar : Les écologistes veulent faire de la crise une opportunité verte
Plus de 430 organisations du secteur environnemental ont adressé, hier, une lettre ouverte au Président de la Refondation de la République de Madagascar (PRRM), Michaël Randrianirina. Dans ce document, elles plaident pour que la crise actuelle soit transformée en une opportunité de refondation verte, condition jugée essentielle pour assurer la stabilité et le développement durable du pays.
La lettre a été remise dans un climat politique et social marqué par de fortes incertitudes, à la veille de la présentation du gouvernement Herintsalama Rajaonarivelo. Les signataires rappellent que le processus de refondation nationale engagé après les mouvements populaires de la Génération Z, doit s’accompagner d’un redressement écologique profond. Selon eux, la destruction continue des forêts et le pillage des ressources naturelles compromettent les fondations économiques et sociales du pays. « Il n’y aura ni paix sociale durable, ni stabilité politique, ni développement économique sans un changement profond du rapport de l’État aux ressources naturelles, terrestres et marines de la Nation », affirment les organisations dans leur texte.
Crise écologique, crise des droits humains
Les acteurs environnementaux soulignent le lien étroit entre dégradation écologique et précarité sociale. Ils rappellent que la déforestation, qui aurait fait disparaître près de 30 % de la couverture forestière nationale depuis l’an 2000, perturbe le cycle de l’eau et fragilise la production d’électricité d’origine hydraulique. Cette situation contribue à la pénurie d’eau, à la baisse de productivité agricole et à l’aggravation de la pauvreté dans les zones rurales.
Les femmes figurent parmi les principales victimes de cette dégradation. Faute d’accès à des ressources proches, elles doivent parcourir de longues distances pour collecter de l’eau ou du bois, souvent au détriment de leur santé et de l’éducation de leurs enfants. La lettre évoque également la montée des actes de corruption, les intimidations et les violences contre les défenseurs de l’environnement. Pour les signataires, la crise écologique s’accompagne d’une crise des droits humains, démontrant que justice environnementale et justice sociale sont indissociables.
Onze demandes pour un redressement écologique
Les organisations formulent onze demandes considérées comme prioritaires pour assainir la gouvernance environnementale et placer l’écologie au centre de la refondation. Elles appellent d’abord à rétablir l’État de droit dans la gestion des ressources naturelles, en mettant fin à la corruption et à l’impunité des auteurs de crimes environnementaux. Elles demandent, ensuite, de faire de la protection des forêts et de la reforestation une priorité nationale, d’assurer l’autonomie du ministère de la Pêche et de l’Économie bleue, et de nommer des dirigeants intègres et compétents à la tête des institutions clés.
Par ailleurs, les signataires réclament un renforcement des budgets publics alloués aux ministères de l’Environnement, de la Pêche et des Mines, une transparence totale sur les financements climatiques, la protection des défenseurs des droits humains, ainsi que la révision du projet d’autoroute reliant Antananarivo à Toamasina, afin de préserver les forêts d’Anjozorobe et du corridor Ankeniheny-Zahamena. Ils appellent, enfin, à la création du Conseil économique, social et environnemental (CESE), prévu par la Constitution, qui serait chargé d’instaurer un espace permanent de dialogue entre l’État, la société civile et les citoyens.
Transformer la crise en opportunité
Les organisations signataires alertent sur une recrudescence des feux de forêts, des trafics et des activités minières illégales, phénomène récurrent lors des périodes d’instabilité politique. Elles exhortent les autorités à décréter une mobilisation nationale d’urgence pour enrayer ces dérives. Dans leur lettre, elles affirment vouloir contribuer activement aux réflexions stratégiques pour un développement durable et équitable, et coopérer avec toutes les institutions de bonne foi. Leur objectif est de bâtir un Madagascar fondé sur la transparence, la responsabilité et la participation citoyenne. « Un développement inclusif et écologique de Madagascar est possible », concluent-elles, tout en soulignant que ce défi collectif exige écoute, volonté politique et engagement de tous les acteurs.


